Améliorer la gestion de l’azote dans la région de l’Atlantique
Utilisation d’engrais azotés à efficacité améliorée
David Burton, Université Dalhousie
lkechukwu Agomoh, Agriculture et Agroalimentaire Canada
Face à la hausse du prix des engrais azotés et aux pressions des gouvernements et de la chaîne d’approvisionnement en faveur de la réduction des impacts environnementaux de l’azote (N) utilisé en agriculture, les producteurs cherchent des moyens d’accroître l’efficacité de N sans diminuer le rendement de leurs cultures. Les engrais à efficacité améliorée (EEA) représentent une avancée technologique qui vise à maximiser l’efficacité de l’azote tout en atténuant les impacts sur l’environnement.

En quoi consistent les engrais à efficacité améliorée (EEA)?
Les EEA sont des formulations d’engrais azoté qui visent à réduire les pertes de N et à mieux synchroniser l’apport en azote avec les besoins en nutriments des végétaux. Ils se classent dans deux grandes catégories :
Engrais à libération contrôlée : Les engrais à base d’urée peuvent être encapsulés ou enrobés de manière à retarder la solubilisation de l’urée de sept à dix semaines, selon la température et le degré d’humidité du sol. Il faut de l’eau pour pénétrer ou dissoudre la couche protectrice de ces produits et en libérer l’urée. Dans des conditions de sécheresse prolongée, l’azote pourrait ne devenir disponible qu’après la période où la plante en a besoin.
Engrais stabilisés : Ces engrais comprennent des inhibiteurs qui ralentissent la conversion de l’urée ou de l’ammonium (NH4+) en nitrate (N03-). Le nitrate est la principale forme de N absorbée par les plantes, mais c’est aussi la forme la plus vulnérable à la perte. Plusieurs stabilisateurs sont couramment employés. Le NBPT (N-n-butyl-triamide de l’acide thiophosphorique) est un inhibiteur d’uréase qui ralentit l’hydrolyse de l’urée en NH4+ et qui diminue la volatilisation de l’ammoniac (NH3). Ce produit est utilisé avec des granules d’urée ou mélangé à des engrais liquides à base d’urée, tels que du nitrate d’urée et d’ammonium. Les inhibiteurs d’uréase retardent efficacement l’hydrolyse de l’urée d’une à deux semaines et sont souvent utilisés pour réduire les pertes de NH3 dans les engrais à base d’urée épandus à la surface du sol. En retardant la production de NH4+, ils ralentissent aussi la nitrification et, par conséquent, l’apparition de N03-. Le DCD (dicyandiamide) et le DMPP (3,4-phosphate de diméthylpyrazole) sont des inhibiteurs de nitrification qui retardent la conversion du NH4+ en N03– de quatre à dix semaines, selon les conditions ambiantes (p. ex. pH et température du sol). Les inhibiteurs de nitrification sont appliqués avec des engrais à base de NH4+ ou des engrais qui produisent de l’ammonium, tels que de l’urée.

Avantage des EEA dans la région de l’Atlantique
Application en surface : Les producteurs appliquent souvent de l’urée ou du nitrate d’urée et d’ammonium en surface sans incorporation subséquente. Si ces produits ne sont pas immédiatement incorporés ou dissous dans de l’eau de pluie, le risque de perte de NH3 est élevé. Le recours à un inhibiteur d’uréase peut suspendre la formation de NH4+ jusqu’à ce que l’urée soit dissoute et emportée dans le sol par l’eau, ce qui réduit les pertes de NH3.
Réduction des pertes de N en cours de saison : Le climat subhumide des provinces de l’Atlantique et la prédominance des sols à texture grossière engendrent un risque élevé de perte de N03-. Les précipitations prolongées pendant la saison de croissance peuvent entraîner d’importantes pertes de N03-, soit par dénitrification, soit par lessivage. Les EEA permettent de mieux synchroniser la disponibilité de l’azote et les besoins en nutriments de la plante, ce qui diminue les risques de perte de N en début de saison tout en accroissant l’efficacité.
Perte de N après la saison de croissance : Le N03– encore présent dans le sol après la récolte aura probablement disparu avant la prochaine saison de croissance. Les EEA permettent d’appliquer une dose réduite d’engrais azoté sans nuire au rendement et peuvent donc diminuer la quantité de N03– qui reste dans le sol à l’automne après la récolte. Cependant, s’ils sont mal utilisés, les EEA peuvent augmenter le risque de perte après la saison de croissance, car l’azote est libéré trop tard pour que la culture puisse l’absorber. Du coup, il subsiste une quantité supérieure de N03– dans le sol pendant la période post-récolte.
Stratégies d’application pour les provinces de l’Atlantique
Assurez-vous que vous utilisez un EEA assorti de la bonne source de N. Les inhibiteurs d’uréase sont utiles seulement si votre source d’azote contient d’importantes quantités d’urée. Les inhibiteurs de nitrification ne sont efficaces que sur des sources de N à base d’ammonium ou des sources qui produisent de l’ammonium, comme l’urée. En outre, le moment choisi pour l’application de l’EEA est important. Les inhibiteurs d’uréase retardent la formation d’ammonium d’une à deux semaines, tandis que les inhibiteurs de nitrification retardent la nitrification de quatre à dix semaines. Les EEA appliqués juste avant ou pendant l’ensemencement permettent la formation de nitrate plus près de la période où les plantes absorbent rapidement l’azote, soit de six à huit semaines après l’ensemencement pour la plupart des végétaux cultivés dans la région de l’Atlantique. Les EEA produisent à peu près le même résultat que l’application fractionnée, en suspendant l’accumulation de N03– dans le sol jusqu’à une période proche de la fenêtre d’absorption accrue de l’azote par la plante. L’utilisation d’un inhibiteur de nitrification dans le cadre d’une application fractionnée d’engrais azoté en postlevée n’est généralement pas recommandée.
Le recours à un EEA permet de réduire la quantité d’engrais azoté sans nuire au rendement, ce qui contrebalance le coût plus élevé de ce produit. Des doses réduites d’engrais azoté diminuent aussi le risque que des niveaux élevés de N03– restent dans le sol après la récolte et, partant, le risque de perte de N durant l’hiver.
Mon engrais azoté devrait-il toujours être un produit à efficacité améliorée?
Non. Il n’est pas nécessaire que votre engrais azoté soit un EEA dans tous les cas. Les sources de N non protégé peuvent fournir une partie de l’apport en N nécessaire en début de saison, tandis que l’EEA fournira de l’azote durant la période où la plante en a le plus besoin.
Puis-je réduire ma dose d’engrais azoté si j’utilise un EEA?
Oui. Comme les EEA réduisent les pertes de N et fournissent plus efficacement de l’azote à la culture, il est possible d’en appliquer une dose réduite sans compromettre le rendement. Sachez cependant que l’EEA augmentera votre rendement seulement si vous n’appliquiez pas suffisamment de N par le passé. Comme ce type d’engrais fournit de l’azote de 25 à 30 % plus efficacement que les engrais azotés classiques, vous pouvez réduire la dose de 15 à 20 % sans craindre de nuire au rendement. La dose réduite peut contrebalancer le coût supérieur de l’EEA. En outre, le recours à une dose réduite d’EEA atténue les impacts environnementaux de l’azote et peut aussi diminuer les émissions de N20 dans une proportion allant jusqu’à 50 %.
Conclusion
Les EEA constituent une solution prometteuse au double défi que représentent le maintien de la productivité agricole et la protection de l’environnement dans la région de l’Atlantique. En adoptant ces engrais dans un cadre de gestion intégrée des nutriments, les producteurs peuvent utiliser l’azote de manière plus efficace, réduire leurs dépenses en engrais, atténuer les impacts environnementaux de l’utilisation des engrais azotés et contribuer à la pérennité de l’agriculture.
Messages clés
Les engrais à efficacité accrue (EEA) favorisent une utilisation plus efficace de l’azote sans nécessairement accroître le rendement des cultures.
En choisissant le bon EEA et en l’appliquant au bon moment, il devient possible de mieux synchroniser la disponibilité de l’azote et les besoins en nutriments des plantes.
En raison de leur efficacité accrue, ces engrais peuvent être appliqués à des doses de 15 à 20 % plus faibles sans que le rendement en soit touché.
S’il est appliqué à une dose réduite de 15 à 20 %, l’EEA peut diminuer le coût de votre programme de fertilisation azotée tout en réduisant votre impact sur l’environnement.

Fruit d’une nouvelle approche face à l’innovation agricole au Canada, le Laboratoire vivant du Nouveau-Brunswick permet à des agriculteurs, à des scientifiques et à d’autres collaborateurs d’unir leurs efforts pour élaborer et mettre à l’essai des pratiques agricoles novatrices dans des conditions réelles. Il fait partie d’un réseau pancanadien de laboratoires vivants créés dans le cadre du programme Solutions agricoles pour le climat – Laboratoires vivants, qui est financé et soutenu par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Chaque projet vise à accélérer la conception et l’adoption de solutions durables à la ferme pour contrer les effets des changements climatiques.